CHANTS
« Hymnes byzantines d’Orient » par Maximos Famé – Psalmus 2009
INTRODUCTION de Victor Loupan
Mondialisations (2/2)
Nous avons lu, la semaine dernière, dans l’Ancien Testament, le récit très vivant de la première des mondialisations qui a suivi la conquête d’Alexandre le Grand. Avec l’uniformité de la langue et des coutumes. Avec la multiplication des idoles. Et enfin avec les autorisations exceptionnelles qui deviennent des obligations pour tous. Pourtant au cœur de cette hellénisation, s’est passé un événement à la grande fécondité. Je veux parler de la fameuse Septante, cette traduction de la Bible hébraïque en grec par soixante-dix traducteurs. Sans l’hellénisation des juifs de la diaspora, la Bible, uniquement écrite en hébreu, serait restée confidentielle.
Un siècle après la première mondialisation, commence la deuxième, celle de Rome. Et, à nouveau, grâce à ses innombrables routes protégées par la Pax romana, les disciples, malgré les persécutions, ont pu circuler facilement à travers le vaste empire pour répandre l’Evangile et fonder les Eglises locales.
Aujourd’hui nous connaissons une mondialisation qui fait le tour de la terre. Ici encore, elle s’accompagne d’une idéologie délétère, qui transforme les autorisations exceptionnelles en obligations pour tous. Avec la mort sociale, comme système coercitif. On le voit bien : les professeurs d’université renvoyés, les conférenciers interdits, et les commentateurs diabolisés, musèlent les autres. Et pourtant, au cœur même de ce système, est apparu le dark web intellectuel qui devient un contrepoids de plus en plus puissant. A nous de l’utiliser, comme le grec, et comme les routes romaines d’autrefois.
EVANGILE ET HOMELIE par le Père Marc-Antoine Costa de Beauregard
Guérison la femme courbée (Luc 13, 10-17)
En ce temps-là, Jésus enseignait dans une des synagogues le jour du sabbat. Or il y avait là une femme qui avait depuis dix-huit ans un esprit d’infirmité : elle était toute penchée vers le bas et ne pouvait pas se tourner complètement vers le haut. Jésus, la voyant, l’interpella et lui dit : « Femme, sois déliée de ton infirmité ! » Puis Il lui imposa les mains, et à l’instant même elle se redressa et rendit gloire à Dieu. Mais le chef de la synagogue, indigné parce que Jésus avait soigné un jour de sabbat, répondit à cela en disant à la foule : « Il y a six jours pour travailler ; venez donc vous faire soigner ces jours-là, et non pas le jour du sabbat. – Hypocrite, lui dit Jésus ; est-ce que chacun d’entre vous ne délie pas de la crèche son bœuf ou son âne le jour du sabbat pour le mener à l’abreuvoir ? Et cette fille d’Abraham que Satan tenait liée depuis dix-huit ans, ne fallait-il pas la délier de ce lien le jour du sabbat ? » Comme Jésus disait cela, tous ses adversaires étaient remplis de confusion, et la foule entière se réjouit de toutes les merveilles accomplies par lui.
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Homélie : L’évangile de ce jour a sa place dans la quarantaine de préparation à la joie de la Nativité. Il nous indique le but de l’Incarnation du Fils de Dieu et de sa naissance selon la chair : redresser l’humanité courbée pour qu’elle rende gloire à Dieu. Tout ce temps comporte l’ascèse de la joie. Exerçons-nous à glorifier le Seigneur ; adoptons la prière de louange comme prière principale, en la repérant dans les textes liturgiques, dans les psaumes, notamment le cathisme 20. Rappelons-nous que l’enjeu même de la vie avec le Christ dans l’Église est la joie, l’allégresse angélique, la glorification du Père. « Redressons-nous » et louons le Seigneur, tel est le message de ce jour. En ce jour, le Seigneur Dieu venu en Personne dans le monde fait, une fois encore, un signe public. Il a certainement une compassion particulière pour la personne de la femme courbée, dont Il connaît le nom. Mais, en même temps, comme si souvent, Il parle par un acte. Dieu parle en faisant. Il nous donne aujourd’hui le signe éloquent de la femme courbée, personnage dans lequel nous pouvons reconnaître une civilisation incapable de lever les yeux vers le ciel, complètement courbée vers les préoccupations matérielles ; nous pouvons y reconnaître également l’état attristant de notre propre personne incapable de prière ou d’action agréable à Dieu ; nos communautés elles-mêmes, si croyantes, si courageuses pour garder la foi et la tradition apostolique et patristique, ne peuvent éviter de se regarder au miroir de la femme courbée. Notre prière, en effet, est souvent privée de joie, pauvre en contemplation, sans véritable connaissance du Seigneur, désertée par une véritable expérience du saint Esprit. Nous nous courbons beaucoup ; nous penchons vers des soucis réels certes mais affligeants. Nous sommes tellement inclinés vers les préoccupations du monde et de nos communautés ecclésiales, que nous ne nous voyons pas toujours la présence du Christ dans notre dos, ou même en face de nous. Le carême de Noël, l’Avent, est le moment de redresser, non seulement la tête, avec joie parce que le Christ « vient, de nouveau, avec gloire », comme le dit le grand Symbole de la vraie foi, mais notre corps tout entier, toute notre personne. La gloire de Dieu, dit saint Irénée, c’est l’homme debout. Liturgiquement, nous prions debout, nous écoutons le saint Évangile debout ; nous nous levons et nous marchons vers la Coupe où repose l’Agneau. Quand nous nous prosternons, c’est pour nous relever, et, en nous relevant, celui que nous voyons est, en sa sainte icône, le Christ miséricordieux. Il est temps d’examiner notre conception de Dieu et notre conception de la religion. Et nous pouvons faire cet examen à l’aune de la joie divine, à la lumière de la Lumière en personne qui vient dans le monde, dans notre vie, dans celle de nos familles et dans la société civile elle-même. Le temps de Noël, même s’il est souvent le temps du matérialisme et de la pression commerciale, n’échappe pourtant pas à la lumière de la Lumière. Aucun prétendu Père-Noël et son chariot n’effacera saint Nicolas et tous les vrais disciples du Christ. Et les étalages de nourriture et de cadeaux préparés de longue date pour la vente n’effaceront pas l’invitation au banquet eucharistique où est préparé le Cadeau par excellence, offrande que le Seigneur fait de lui-même. « Redresse-toi ! », nous dit le Christ ; redresse-toi, car Je suis là, pour toi, pour ta joie, pour me donner à toi en nourriture et en boisson divines ! « Tenons-nous bien ! », chante encore le diacre quand vient le Christ en Parole et en sa Coupe mystique, et tous se lèvent pour chanter avec les anges : Gloire à toi, Seigneur, gloire à toi !
SAGESSE DES PERES par Victor Loupan
Les anciens vertueux
Au temps de Jean Moschos, il y avait une anecdote qui avait beaucoup de succès. Un frère rend visite à un ancien et lui demande : « Abba, enseigne-moi ! » Et l’abba de répondre : « A l’époque de nos pères, on vénérait trois vertus : la pauvreté, la douceur et la tempérance. Aujourd’hui, c’est le contraire. Les moines obéissent à la cupidité, à la gloutonnerie et à l’arrogance. Adopte la conduite que tu veux. » Anecdote éternelle ! En réponse à cette remarque désabusée, voici trois récits miraculeux sur ces fameux anciens si vertueux. Ecoutez bien :
« A la laure des Egyptiens, dit Jean Moschos, il y avait un ancien nommé Julien. Les pères qui vécurent avec lui m’ont raconté qu’il est resté environ 70 ans dans une petite grotte. Il ne possédait, de ce monde-ci, qu’un manteau, une Bible et un récipient en bois. Il n’a jamais utilisé une lampe. Et pourtant, chaque nuit, on voyait une lumière venue du ciel qui l’éclairait. Cette lumière rendait les textes visibles et abba Julien les lisait. »
« Il y avait aussi, poursuit Jean Moschos, à la laure du vénérable Père Sabas, abba Kyriakos. Lui aussi était remarquable. Un jour, il est descendu vers Cothyle passer un moment au bord de la mer Morte. Et voilà qu’il veut retourner à sa cellule. Mais la chaleur est tellement intense qu’abba Kyriakos est près de défaillir et n’a pas la force de remonter la colline. Il tend alors les mains vers le ciel et adresse à Dieu cette prière : ‘‘Seigneur, Tu sais que la soif m’empêche d’avancer.’’ Aussitôt, il se forme, autour de lui, un nuage qui ne le quitte pas jusqu’à son retour dans sa cellule. Or la distance était de 12 milles ! [C’est-à-dire environ 18 kilomètres.] Et à ce même abba Kyriakos, il est arrivé encore ceci. Un jour, des proches veulent lui rendre visite. Une fois arrivés à la laure, ils cherchent sa cellule. On la leur indique. Ils vont frapper à sa porte. Mais quand il les voit arriver, abba Kyriakos prie Dieu de ne pas être vu par eux. Puis, il ouvre la porte, sort de la cellule et passe devant eux sans qu’ils puissent le voir. Ensuite, il gagna le désert et ne rentra dans sa cellule qu’après leur départ. »
Et voilà ce qui ne risque pas de nous arriver, chers frères et sœurs en Christ, tant que nous caresserons nos péchés de cupidité, de gloutonnerie et d’arrogance. Voici un bon effort à faire pour l’Avent, qui est le carême de la Nativité.
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