Parution ce mardi matin 22 septembre du deuxième baromètre des chefs d’entreprises africains. Une vaste étude réalisée par le CEO Forum et le cabinet d’audit Deloitte. Cette étude a ceci d’intéressant, cette année, qu’elle permet de comprendre la façon dont les patrons africains envisagent les évolutions à venir dans leurs secteurs, ça c’est l’objectif initial, mais surtout la façon dont ils pensent que la crise sanitaire mondiale va influencer ces changements. 150 chefs d’entreprises africains opérant dans 30 pays ont été interrogés. Au début de l’année d’abord, puis entre avril et juin, pour tenir compte justement de la crise sanitaire. On y apprend que, sans surprise, l’optimisme des dirigeants africains pour l’année en cours est passé de 80 à 25 %, mais que le niveau de confiance reste « élevé » « quant à un retour à la normale d’ici courant 2021 ». Pour les patrons africains, la crise a été un « accélérateur en matière d’innovation » Quand on est acculé, on doit évoluer. Aziz Mebarek, cofondateur de la société de capital-investissement AfricInvest, évoque notamment « le déploiement de mesures de rationalisation des coûts, la digitalisation, la revue des chaînes d’approvisionnement » ou « la renégociation de certains contrats à long terme ». « Nous ne pouvons plus être dans le modèle d’avant », juge encore ce pionnier des investissements financiers sur le continent. Le recours soudain à davantage de télétravail et à la digitalisation, nécessaire pour continuer certaines activités à distance, ont notamment été accélérés. Les patrons africains témoignent aussi de la simplification de certaines démarches administratives dans ce contexte. L’étude du cabinet Deloitte montre également un enthousiasme pour l’harmonisation économique du continent, et notamment pour la Zlecaf… La Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) devait être officiellement lancée au mois de juillet. À cause de la pandémie, ce lancement a été repoussé à 2021. Néanmoins, ce projet de marché unique est plébiscité par les chefs d’entreprises africains interrogés. Tahirou Barry, directrice générale de Conakry Terminal, qui appartient au groupe Bolloré, se réjouit par exemple du « potentiel de croissance formidable » de la Zlecaf. Mais ce « chantier prioritaire », selon les conclusions de l’étude, doit davantage impliquer le secteur privé, et ne plus être porté par les seuls pouvoirs publics africains. C’est, sans grande surprise, ce qui ressort des témoignages des dirigeants interrogés. Cette zone de libre-échange « n’est pas encore concrète car il reste des freins à son implémentation », avance prudemment Ahmed Bouzguenda de PGH-Tunisie, dont les activités vont de l’aviculture à la transformation de l’acier. L’implication des entreprises « dans les négociations entourant la création de la Zlecaf » est donc une exigence du secteur privé africain. Pour le reste, les préoccupations du patronat africain sont des préoccupations classiques Il s’agit notamment, sur les questions de gouvernance, de davantage prendre en compte la gestion des risques, qu’ils soient sanitaires, et donc opérationnels, ou financiers. « Les entreprises en Afrique sont actuellement en mode survie, affirme carrément Abi Ajayi, Directeur pour l’Afrique sub-saharienne de Bank of America. Les blocages et les mesures de confinement, et le ralentissement économique mondial ont généré des perturbations massives. Il faudra du temps, juge encore le Nigérian, pour revenir à des flux normaux pré-Covid. » La nécessité de renouveler les dirigeants au sein des conseils d’administration et de favoriser l’égalité des genres sont également cités. En termes de financement, les patrons du continent souhaitent comme toujours davantage de solutions pour les petites et moyennes entreprises qui, comme le rappelle l’étude, « représentent l’écrasante majorité des entreprises en Afrique et demeurent le pilier de la croissance économique du continent. » Les enjeux liés au climat et à la défense de l’environnement ne sont pas oubliés… Ou disons qu’ils le sont moins. Le baromètre CEO-Forum-Deloitte parvient pudiquement à cette conclusion que « l’impératif environnemental paraît progressivement mieux pris en compte par le secteur privé ». Là encore, la crise sanitaire joue un rôle : dans la prise de conscience des dirigeants, mais aussi dans les changements qu’elle implique pour l’avenir, notamment en matière de chaînes d’approvisionnement. Des changements qui devront donc davantage tenir compte de cet enjeu environnemental.
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