C’est l’un des chapitres passionnants du nouveau rapport Demeter sur les enjeux agricoles mondiaux, à paraître le mois prochain. Le réchauffement climatique pourrait transformer l’empire du froid qu’est la Sibérie en grenier à grains de la planète. La Russie aurait alors un poids encore plus considérable sur le marché mondial du blé. « Voir la Sibérie devenir l’un des greniers à blé du monde d’ici la fin du siècle n’a rien d’une utopie », estiment Jean-Jacques Hervé et Hervé Le Stum,balayant l’image d’un territoire inhabité, triste et gelé. Respectivement ingénieur membre des académies d’agriculture de France, de Russie et d’Ukraine et ancien dirigeant d’organisations céréalières en France, les auteurs de ce chapitre d’anticipation du prochain rapport Demeter rappellent que le changement climatique a déjà commencé à modifier les paysages de Sibérie, puisqu'en avril 2017, la Russie a livré à la Chine son premier train de blé récolté dans la région de Krasnoïarsk. Doublement des surfaces agricoles Dans les soixante prochaines années, la hausse des températures devrait faire reculer toujours plus la limite sud du permafrost, ce territoire de Sibérie gelé toute l’année, et faire remonter encore plus vite la ligne de front entre la taïga forestière et la toundra, de près de 500 kilomètres vers le nord. Avec à la clé, un doublement des superficies cultivables de la Russie (de 220 à 420 millions d’hectares), une augmentation des rendements à l’hectare et une diversification des cultures. La Sibérie sera capable de produire toutes les céréales à paille - blé, orge, triticale, seigle…, mais aussi du maïs fourrager, du maïs grain et même du soja, d’ici la fin du siècle. Avec plusieurs récoltes par an. Le potentiel céréalier de la Russie pourrait bondir de 100-150 millions de tonnes de grains par an aujourd'hui à 1 milliard de tonnes en 2080. Inondations et relargages polluants Déjà devenue en moins de vingt ans le premier exportateur mondial de blé, la Russie devrait donc faire de plus en plus d’ombre aux céréaliers européens et peut-être un jour, exporter ses grains vers le nord par les fleuves, sur l'Ob, l'Ienissei ou la Lena, comme les États-Unis utilisent aujourd'hui le Mississipi. Mais à long terme, il faudra aussi gérer d’immenses problèmes liés à la fonte du permafrost de Sibérie : des territoires abandonnés aux inondations, des effondrements de cratères et des relargages massifs de mercure, de méthane et de carbone qui accéléreront à leur tour le réchauffement du climat. ► À lire aussi : Pergélisol: «Des virus infectieux pour les humains pourraient être réactivés»
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