Il y a 4 mois jour pour jour, 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium explosaient dans le port de Beyrouth, au Liban. Une déflagration 40 fois supérieure à la catastrophe de Tchernobyl, qui a coûté la vie à près de 200 personnes et détruit des dizaines de milliers de logements. Selon un dernier bilan, le drame aurait fait plus de 5 000 blessés. Dans un Liban rongé par la corruption, tous les regards se tournent désormais vers l’État, accusé de négligence : les substances explosives étaient entreposées sans aucune précaution depuis plusieurs années, et malgré de nombreuses alertes jusqu’au plus haut niveau de l’État, rien n’a été fait. Notre correspondant sur place est allé à la rencontre de Mireille, une mère de victime qui réclame justice. « Là, c’est mon fils avec ses amis. Regardez comme il était heureux. Et là, c’est son anniversaire cette année. Au cimetière… Oui. C’est comme ça que vous fêtez l’anniversaire d’un enfant de 15 ans vous ? » Les larmes aux yeux, Mireille Khoury regarde les photos de son fils Elias, mort dans l’explosion du 4 août. « C’était un jour comme les autres, j’étais dans ma chambre, en train de travailler. Mon fils est arrivé en me disant " Maman, viens voir, il y a un incendie près du port. " Je lui ai dit de s’éloigner des fenêtres. Il est retourné dans sa chambre. Après, je ne me rappelle plus de rien. La seule chose dont je me souviens ensuite, c’est de me réveiller au milieu des décombres. Je saignais. Je suis sortie et j’ai retrouvé mon fils dans l’escalier. » Transféré à l’hôpital, Elias succombera à ses blessures deux semaines plus tard. Aujourd’hui, alors que l’enquête patine, les autorités libanaises promettent aux familles de victimes un dédommagement financier. Mireille Khoury, elle, demande à ce que les coupables soient jugés. « Je ne veux pas d’argent. Je veux juste que les gens qui étaient responsables et qui n’ont pas fait leur travail soient condamnés. Mais je n’ai pas confiance dans l’enquête libanaise : ils ont dit qu’ils auraient des résultats en 5 jours. Ça fait 4 mois et nous ne savons toujours rien. Ils veulent juste classer l’affaire. C’est la troisième plus grosse explosion non nucléaire du monde. Mon fils était simplement dans son lit, chez nous. Est-ce qu’une maman peut accepter ça ? C’est un crime contre l’humanité. » Cette mère réclame une enquête internationale. Une enquête sans ingérences des responsables politiques libanais. Une option toujours rejetée par le président Michel Aoun, alors qu’il a lui-même admis avoir eu connaissance, plusieurs semaines avant l’explosion, de la présence dans le port de Beyrouth des 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium à l’origine du drame. Antonia Mulvey est l’une des avocates internationales qui représente les familles de victimes : « Le Liban a une longue histoire d’impunité, qui remonte à la guerre civile. Dans cette affaire, les gens ont besoin de savoir ce qu’il s’est passé. On ne peut pas simplement mettre de l’argent dans la reconstruction sans se poser la question de l’origine du drame. Et vous savez quoi ? Le gouvernement français a un rôle clé à jouer sur ce point : Il y a une relation particulière entre la France et le Liban. Et la France est un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Donc, elle est en mesure de demander aux autorités libanaises une enquête indépendante, au nom des victimes et de leurs familles. » Des familles qui pour beaucoup réclament un tribunal international, pour que les responsables de l’explosion du 4 août aient à répondre de leurs actes devant une justice impartiale.
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